L'édition de création 1930-1970. Le grand illustré, et après ?
Le 10/05/2019 à 14h51 par Mélissa Cardinali Gendron
Résumé

Journée d’étude organisée par Sophie Lesiewicz (BLJD/UMR Thalim) & Anne-Christine Royère (Université de Reims Champagne-Ardenne/CRIMEL) en partenariat avec la Bibliothèque de l’Arsenal.

Le 3 juin 2019 à la Bibliothèque de l’Arsenal. 

Entrée gratuite, sur réservation obligatoire au 01 53 79 49 49

 

 

L’édition de création 1930-1970. Le grand illustré, et après ?

Lundi 3 juin 2019

Bibliothèque de l’Arsenal

 

 

Sous la responsabilité de Sophie Lesiewicz (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet) & Anne-Christine Royère (Université de Reims Champagne-Ardenne)

 

Après la crise des années 1930, le champ du livre de luxe se reconfigure. S’ouvre alors la période de ce que l’on considère en France comme l’âge d’or du « livre d’artistes ». Principalement édité par des galeristes, il affirme la littérarité du texte, sollicite des peintres au détriment des illustrateurs de métier ou des décorateurs, rejette l’édition de demi-luxe. Ainsi, dans la seconde moitié du XXe siècle, l’alliance de la poésie et de la peinture devient paradigmatique de ce que l’on a pu nommer « livres de peintre », « livres de dialogue » ou encore « grands illustrés ». Nombreuses sont les études consacrées aux grandes figures de ce renouveau bibliophilique : il convient désormais de mettre en lumière des éditeurs moins flamboyants ou plus éphémères.

La production éditoriale des années 1930 au début des années 1980 ne se résume cependant pas à ces ouvrages. Il y a un « après », mais aussi un « autour » du « grand illustré », porté notamment par l’innovation typographique initiée dans le livre de poésie par Mallarmé en 1897 et faisant de celle-ci une des données de la littérarité du texte dans des livres que l’on pourrait qualifier de « livres (typo)graphiques ». Enfin, dans les années 1960, l’artist’s book traverse l’Atlantique pour devenir « livre d’artiste », au singulier, dont les articulations avec le substrat français restent à discuter : la théorie du texte et de l’histoire du livre sont-elles hors du champ de ce livre d’artiste ? Une production alternative semble en effet s’inscrire dans le double sillage des théories du texte et de l’intermedia tandis qu’une autre met en cause et en crise le livre, l’interroge, en procédant à sa réévaluation critique pour en explorer ou en détourner la forme objectale.

 

Programme

 

9h30 Accueil

10h  Introduction — Sophie Lesiewicz & Anne-Christine Royère

 

10h30 – 12h30 > Compléments à l’histoire de l’âge d’or du livre de peintre

Une approche bourdieusienne de l’illustration de l’entre-deux-guerres : quelques éléments pour nourrir le débat sur « le grand illustré, et après » ? Jean-Michel Galland (École nationale des chartes)

Les livres d’artistes à la Libération : autour de la collection Chadwyck-Healey (1944-1946), Irène Fabry (British Library, Londres)

Les livres de peintre publiés par les éditions Bordas 1944-1953, Jean Lissarrague (Éditions Écarts)

 

14h – 15h15 > Écrivains/éditeurs, artistes du livre

Roberto Altmann, la Geste hypergraphique, Frédéric Acquaviva (Compositeur)

Robert Morel : faire des livres, une entrée en matières, Reine Bürki (ENSSIB)

 

15h30 – 17h30 > Le livre d’artiste en question

Ghérasim Luca et les livres-objets : « entrée libre », Sibylle Orlandi (Université Statale, Milan / Institut français Italia)

Paul Armand Gette. Un goût certain pour la publication, Didier Mathieu (Centre du livre d’artiste de Saint-Yrieix-la-Perche)

Christian Boltanski, premiers livres d’artiste, Didier Schulman, Aurélien Bernard (Bibliothèque Kandinsky)

 

 

 Résumés des communications

 

Jean-Michel Galland, Une approche bourdieusienne de l’illustration de l’entre-deux-guerres : quelques éléments pour nourrir le débat sur « le grand illustré, et après » ?

Nous nous proposons d’exposer les premiers résultats d’une thèse en cours portant sur l’illustration littéraire de l’entre-deux-guerres et susceptibles d’alimenter le débat sur le « grand illustré », son « autour » et son « après ».

Ce travail de recherche est mené avec une approche résolument explicative inspirée notamment des théories du sociologue Pierre Bourdieu. Il s’appuie sur une analyse des parcours et des publications de trois éditeurs ou directeurs artistiques de maisons d’édition représentatifs, chacun, de l’un des segments de l’illustration de la période : Clément Serveau, pour les séries de vulgarisation1, Jean-Gabriel Daragnès pour le « livre d’illustrateur »2 et Daniel-Henry Kahnweiler pour le « livre de peintre »3.

Nous dresserons ainsi rapidement, à partir de l’étude de ces trois cas-types, un panorama du champ de l’illustration en mettant en évidence sa structure, son mode de fonctionnement, les conventions le régissant, les facteurs de sa cohésion et finalement ceux de sa désintégration.

Ce faisant, nous soumettrons au débat quelques clefs permettant de comprendre le « grand » et le « moins grand » illustré de l’entre-deux-guerres ainsi que d’expliquer l’émergence pendant cette période puis le développement, sur les ruines du champ de l’illustration, du livre graphique, du livre d’écrivain et du livre d’artiste.

 

Jean Lissarrague (Éditions Écarts), Les livres de peintre publiés par les éditions Bordas 1944-1953.

En une dizaine d’années, les éditions Bordas ont publié un ensemble remarquable de livres de peintre réunissant artistes et peintres de grand renom. L’exposé vise à mieux mesurer cet apport, à comprendre quels en ont été les principaux acteurs, leurs motivations et les raisons pour lesquelles l’aventure s’achève au bout de quelques années.

 

Irène Fabry-Tehranchi(Cambridge University Library, Londres), Les livres d’artistes à la Libération : autour de la collection Chadwyck-Healey (1944-1946)

La collection Chadwyck-Healey de la Bibliothèque Universitaire de Cambridge rassemble environ 3000 livres portant sur la Seconde Guerre mondiale, l’Occupation et la Libération, qui sont parus, principalement en France, entre la Libération de Paris en août 1944 et la fin du régime de Vichy en octobre 1946. L’étude de la place et de la nature des livres d’artistes ou grands livres illustrés compris au sein de cette collection permettra d’interroger les motivations et les conditions de production de ce type de livre, et le rôle qu’y jouent les images, à la sortie de la guerre. Nous proposons d’examiner les éléments de continuité et de rupture marquant la création et la circulation des livres d’artistes, caractérisés par leur dimension collaborative, leur fabrication « artisanale », leur aspect visuel et leur mode de diffusion limité, dans le contexte historique, social, économique et idéologique des années 1944-1946.

Les livres d’artistes de la collection Chadwyck-Healey présentent une certaine unité thématique car ils constituent des travaux d’écrivains (Aragon, Eluard, Cocteau, Colette, Georges Duhamel, Vercors…), d’éditeurs (Guy Lévis Mano) et d’artistes (Matisse, Picasso, Tzara, Guy Arnoux, Jean-Gabriel Daragnès, Démétrius Galanis, Jean Hugo, Pierre César Lagage, Claude Lepape, Luc-Albert Moreau…), marqués par l’expérience de la guerre et de l’occupation, la déportation, les persécutions nazies et la Libération… Au-delà du questionnement récurrent relatif à la fonction de l’artiste, artiste ou illustrateur (émancipation ou dépendance de l’image par rapport au texte), ils interrogent la relation ou le paradoxe entre le support choisi (le « beau livre », objet d’art) et les sujets traités, et testent les limites du genre quand certains des auteurs, militaires ou des résistants (Pierre Nord), se présentent comme des témoins, et que ces œuvres, parfois de circonstance, ont une intention explicitement documentaire.

 

Frédéric Acquaviva (Compositeur), Roberto Altmann, la Geste hypergraphique

En 1950 paraissent trois romans nouveaux : Les Journaux des Dieux d’Isidore Isou, SaintGhetto des Prêts de Gabriel Pomerand et Canailles de Maurice Lemaître. Ces trois livres lettristes, saturés de signes métagraphiques ou hypergraphiques, toujours absents de lʼHistoire officielle du livre dʼartiste en France sont toutefois repérés aux USA par l’historienne Johanna Drucker et même réédités pour l’un d’entre eux (Pomerand) par Ugly Duckling Presse à New York en 2006. En 2012, les romans hypergraphiques d’Isou furent l’objet d’une première exposition rétrospective et d’un catalogue à Stockholm, année où les 107 planches imprimées des trois romans d’Isou, Pomerand et Lemaître furent exposées pour la première fois au Reina Sofia à Madrid. Si le Centre Pompidou et la Bibliothèque Kandinsky ont récemment acquis et exposé les planches originales des historiques Journaux des Dieux lors de la première exposition d’Isidore Isou dans une institution française en 2019, il demeure urgent de se pencher sur l’un des continuateurs méconnus de cette « esthétique du livre d’artiste lettriste » : l’artiste, poète, éditeur et activiste Roberto Altmann, né en 1942 à La Havane et qui fit partie du groupe lettriste entre 1962 et 1969. Cinquante ans après leur publication, les 87 planches des 15 chants de la Geste Hypergraphique que Roberto Altmann conçoit en 1967 entre Paris, Vaduz et Turin et qu’il autoédite en avril 1968, demeurent tristement méconnues, ainsi que l’ensemble de son œuvre remarquable, que j’essaierai de resituer dans son contexte d’émergence, celui d’une deuxième génération d’artistes lettristes tels que Jacques Spacagna, Aude Jessemin, Roland Sabatier, Alain Satié, Alain de Latour, François Poyet, Jean-Paul Curtay ou Broutin...

 

Reine Bürki (ENSSIB), Robert Morel : faire des livres, une entrée en matières

La démarche éditoriale de Robert Morel (1922-1990) se caractérise par la dimension matérielle et esthétique d’ouvrages produits en série et diffusés principalement sur le modèle des Clubs du livre. La part de l’éditeur est très présente dans cette production, investie à chaque étape de la chaîne du livre et au plus près de ses acteurs, de l’auteur au lecteur. Son attachement à l’objet livre et au sens du texte se traduit dans une production joyeuse et multiforme portée par les maquettes de l’architecte Odette Ducarre. Un détour par la bibliographie matérielle nous renseigne sur l’inscription de cette production dans une référence à l’Histoire du livre.

 

Sibylle Orlandi (Université Statale, Milan / Institut français Italia), Ghérasim Luca et les livres-objets : « entrée libre »

Le parcours de Ghérasim Luca après son installation à Paris, en 1952, est marqué par la rencontre avec des artistes plasticiens mais aussi avec des éditeurs, en particulier François Di Dio (fondateur du Soleil Noir), Claude Givaudan (galeriste et éditeur de « multiples ») et Robert Altmann (des éditions Brunidor). Notre intervention articulera des interrogations terminologiques, médiologiques mais aussi plus proprement historiques, à partir de trois publications : Héros-Limite (1953, Le Soleil Noir, avec Jacques Hérold), Sisyphe géomètre (1966, Givaudan, avec Piotr Kowalski) et Poésie élémentaire (1966, Brunidor, avec Michel Hertz).

Une première question est celle de l’appellation : François Di Dio lui-même reproche à la typologie établie par Anne Mœglin-Delcroix (dans l’analyse que la critique propose de l’essor du « livre d’artiste » au cours des années 1960) de ne pas prendre en compte le projet surréaliste. Anne Mœglin-Delcroix ne réinscrit pas son étude dans une histoire rythmée par les renaissances et les métamorphoses successives de l’objet livre : aussi Di Dio propose-t-il de parler plutôt de « livres-objets », et inscrit-il son projet éditorial « sous le signe avoué du Soleil Noir », en référence à André Breton. Mais qu’en est-il des créations dans lesquelles le livre à proprement parler disparaît, au profit de la simple feuille imprimée ou de l’enregistrement sonore ? La question du médium, loin d’être secondaire, engage et oriente le geste de réception. Les supports et les modes de diffusion retenus par Di Dio, Givaudan et Altmann rendent compte de choix différents, qui ont cependant en commun le désir de faire éclater le cadre institué et institutionnalisé du codex. La première page du volume publié sous le titre Sept slogans ontophoniques (1964, Brunidor, avec Augustin Fernandez, Enrique Zañartu, Gisèle Celan-Lestrange et Jacques Hérold) constitue une invitation à circuler sans entrave, mais aussi à investir pleinement la matérialité de la chose imprimée : Entrée libre.

 

Didier Mathieu (Centre du livre d’artiste de Saint-Yrieix-la-Perche), Paul Armand Gette. Un goût certain pour la publication

J’emprunte ici le titre que Paul Armand Gette a donné au catalogue raisonné de ses publications, catalogue publié en 2012 par le Centre des livres d’artistes.

Dans un « prière d'insérer » imprimé en quatrième de couverture de cet ouvrage Paul Armand Gette écrit : « Pour le botaniste, le paléontologiste ou l’entomologiste ses découvertes ou ses observations n’existent que dans la mesure où elles sont publiées. C’est ce que j’ai pris comme règle de conduite concernant mes recherches dans l’espace de l’art et c’est ce qui explique l’abondance de l’écrit et celle des publications dans mon parcours. C’est aussi pourquoi je fais peu de différence entre un livre d’artiste ou une simple feuille A4 relatant une rencontre, voire une carte postale dont j'ai conçu un grand nombre. Toutes formes d’édition me conviennent ainsi que tous les supports y compris l’électronique, baptisé si joliment “la toile” ».

Nous verrons comment, depuis avril 1945 – date de l’apparition d’un premier texte dans le Bulletin mensuel de la Société Linnéenne de Lyon (n° 4, 14e année) – Paul Armand Gette, navigue d’un livre à un livre d’artiste à une carte postale, à une simple feuille A4.

 

Informations pratiques

Entrée gratuite, sur réservation obligatoire au 01 53 79 49 49

Lundi 3 juin 2019

de 9 h à 18 h

Arsenal
1, rue de Sully Paris 4e

 

Pour plus d’informations : https://www.bnf.fr/fr/agenda/ledition-de-creation-1930-1970-le-grand-illustre-et-apres#bnf-informations-pratiques

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