Historique de la Bibliothèque

 

Jacques Doucet vers 1913.

Créée par le grand couturier Jacques Doucet, la bibliothèque littéraire qui porte son nom a été léguée à l’Université de Paris par testament du 1er juin 1929. Le décret d’acceptation du legs1 lui a conféré son statut de bibliothèque publique rattachée à l’Université de Paris.

En application des dispositions du décret d'octobre 19722, la bibliothèque est aujourd’hui administrée par la Chancellerie des Universités de Paris, placée dans l’indivision des universités de Paris I à Paris XIII.

 

Jacques Doucet (1853-1929), collectionneur et mécène, s’est constitué en treize années, de 1916 à 1929, une bibliothèque littéraire d’exception, ayant présente à l’esprit l’idée de transmettre à la postérité un outil de travail capital pour la connaissance de l’histoire littéraire de son temps. En véritable novateur, il ne se contente pas de collecter l’œuvre achevée, l’édition rare, mais il cherche à y joindre le manuscrit, une ou plusieurs lettres de l’auteur, les épreuves corrigées, tout élément qui permette d’en suivre la formation et l’élaboration. Pour reprendre l’expression de Blaise Cendrars, cette collection est le fruit d’une « relation manuscrite de Jacques Doucet » aux écrivains dont il s’est entouré, aussi divers qu’André Suarès, Pierre Reverdy, Max Jacob, Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Raymond Radiguet, André Breton, Louis Aragon, Robert Desnos et bien d’autres encore.

 

L’initiateur en est André Suarès que Jacques Doucet rencontre chez des amis communs, en février 1913, et avec lequel il instaure une correspondance régulière, moyennant une pension. Le 2 juillet 1914, André Suarès lui suggère de se constituer une « librairie à la Montaigne », idée que le couturier ne reprend à son compte que deux ans plus tard, en mai 1916, priant Suarès de lui indiquer le nom des auteurs à rechercher pour enrichir sa bibliothèque, « en dehors du quatuor dont elle est formée » (Claudel, Gide, Jammes, Suarès, auxquels il ajoute Valéry). Le 15 juin 1916, Suarès lui adresse la liste des auteurs qui doivent figurer dans sa bibliothèque, « en remontant à la source pour que la collection ait toute sa valeur spirituelle » : la bibliothèque se constitue autour de l'idée de modernité, avec ses précurseurs comme Baudelaire, Nerval, Verlaine, Mallarmé, Rimbaud ou encore Huysmans, Jarry, Saint-Pol Roux, Paul Fort, Pierre Louÿs, Marcel Schwob.

 

Jacques Doucet entre en contact, par son libraire Camille Bloch, avec les jeunes écrivains de l’Esprit nouveau qu’il pensionne en échange de lettres de réflexion sur les mouvements artistiques et littéraires du moment : Pierre Reverdy, dont il finance la revue Nord Sud, Max Jacob dont il reçoit le manuscrit du Cornet à dés, Blaise Cendrars qui lui propose la Prose du Transsibérien, le manuscrit et les épreuves corrigées de Pâques. Auprès de Guillaume Apollinaire, il acquiert les manuscrits de poèmes d’Al​cools, du Bestiaire,du Poète assassiné, un exemplaire de la rare plaquette Case d’Armons, éditée avec des moyens de fortune dans les tranchées,« aux armées de la République ».

 

En décembre 1920, le mécène rencontre André Breton, lecteur chez son amie Jeanne Tachard, qu’il prend immédiatement comme correspondant artistique et littéraire avant de l’engager comme bibliothécaire en titre à l’été suivant ;  son ami Louis Aragon le rejoint au début de 1922. Leur rôle est déterminant pour l’orientation de la bibliothèque. Leur objectif est tout autant de compléter la collection constituée à l’initiative de Suarès, que de l’enrichir de tout ce qui compte dans la création littéraire en train d'advenir.  Doucet finance la revue Littérature, commande à Louis Aragon un Projet d’histoire de la littérature contemporaine. Il rencontre leurs amis dadaïstes et les futurs surréalistes, Tristan Tzara, Georges Ribemont-Dessaignes, Francis Picabia, Paul Eluard, Michel Leiris et Robert Desnos, qui sera son dernier conseiller littéraire. C’est à ce dernier que l’on doit le riche ensemble documentaire sur le surréalisme constitué de tracts, de catalogues, de revues diverses. En 1925, l’amie d’André Suarès, Marie Dormoy, succède à André Breton comme bibliothécaire, dans les locaux du 2 rue de Noisiel.

 

Bureau de Michel Leiris reconstitué à la BlJD.Au lendemain de l’acceptation du legs par l’Université de Paris, en 1932, la bibliothèque est transférée dans une salle de la Réserve de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, 10 place du Panthéon. Marie Dormoy en assure la responsabilité jusqu’en 1956. Elle organise des expositions et intéresse à ce fonds prestigieux des personnalités susceptibles de maintenir l’esprit de la collection. On lui doit l’entrée des fonds Gide et Léautaud.

Puis la bibliothèque est placée un temps sous l’autorité d’un professeur d’université, Octave Nadal de 1957 à 1961, Georges Blin, professeur au Collège de France, de 1961 à 1988.

Les directeurs qui se succèdent à la tête de la bibliothèque enrichissent les collections dans l’esprit hérité de Jacques Doucet.

François Chapon, entré comme bibliothécaire en décembre 1956 à la suite de Marie Dormoy, en devient  directeur de 1988 à 1994. Les collections voient alors l'entrée des fonds Mallarmé, Reverdy, Breton, Char, Tzara, Leiris, Desnos, Eluard, Péret, Ribemont-Dessaignes, Valéry, Suarès, Mauriac, Malraux, Louise de Vilmorin, Adrienne Monnier, Marcel Arland, Rose Adler, Henri Calet, René Clair, Derain, Marie Laurencin, André Frénaud, Marie Noël, Supervielle, Francis Ponge, Marcel Jouhandeau, Saint-Pol-Roux, Louis Pergaud, Rachilde. L’extension des locaux au 8 place du Panthéon permet de reconstituer avec leurs meubles et des éléments de leur décor familier, les cabinets d’Henri Mondor, Michel Leiris, Paul Valéry et Henri Bergson.

 

Depuis vingt ans, les collections n'ont cessé de s'accroître. Le fonds Breton connaît un enrichissement important avec les achats réalisés lors de la vente en 2003 des collections du 42 rue Fontaine, complétés de dons d’Aube Elléouët-Breton. Des archives d’écrivains, de philosophes ou de chercheurs entretnt dans les fonds : Cioran, Vercors, Ghérasim Luca, Jacques Dupin, Bernard Noël, Paul Bénichou, Jean Delay, Robert Pinget, Jean-François Lyotard, Jean Tortel, Michel Fardoulis-Lagrange, Louis-Paul Guigues, Pierre Oster, Pierre Humbourg, Pierre Klossowski, Claude Simon, Claude Roy, Bernard Vargaftig, Pierre Lartigue, Salah Stetié, puis André Du Bouchet, Roger Munier, Ilse et Pierre Garnier, Jean Echenoz, Marcelin Pleynet - avec les archives de la revue Tel quel -Alexandre Vialatte. Elles s'ouvrent aussi aux archives d'éditeurs et d'artistes du livre.

 

 

 

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Bibliographie indicative

 

  • François Chapon, Mystères et splendeurs de Jacques Doucet. Paris : Jean-Claude Lattès, 1984.

  • André Suarès et Jacques Doucet, Le Condottiere et le magicien : correspondance choisie, établie et préfacée par François Chapon. Paris : Julliard, 1994.

  • François Chapon, Jacques Doucet ou l'art du mécénat : 1853-1929. Paris : Perrin, 1996.

  • François Chapon, C'était Jacques Doucet. Paris : Fayard, 2006.

  • La Bibliothèque littéraire Jacques Doucet : archives de la modernité. Actes du Colloque tenue en Sorbonne les 5,6 et 7 février 2004. Textes réunis et présentés par Michel Collot, Yves Peyré et Maryse Vassevière. Paris : Presses Sorbonne Nouvelle - Les Éditions des Cendres, 2007.

  • Édouard Graham. Les écrivains de Jacques Doucet. Paris : Éditions des Cendres, 2011.

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Notes de bas de page