I - Les Désordres de Pierre Bettencourt
Nous avons quitté l'oeuvre littéraire et typographique de P. Bettencourt en évoquant son humour intrinsèque.
La tonalité est beaucoup plus sérieuse, pour ne pas dire tout à fait tragique" dans son œuvre de plasticien.
L'oeuvre s'inscrit en des temps immémoriaux,
portant à fusion un alliage fait de toutes les civilisations visitées par
l’artiste, grand voyageur en son temps:
une œuvre puissante qui a l’apparence de grands hauts reliefs sculptés par quelque tribu inconnue, aux grâces du XVIIIe s. […] Ils appartiennent à une société venue du fond des âges, mais que nous n’identifions pas d’emblée, et pourtant ils sont proches de nous. […] figures totémiques […] fixées par l’artiste comme les monuments gigantesques qui balisent les sites des civilisations disparues. […] grand visionnaire. [1]
Tragique et cruelle dans son mélange de barbarie primitiviste, de poésie rudimentaire et de perversion ; à quel monde sombre d’idoles ou de déesses aux visages rudes, les seins pointus et les cuisses fermes, d’esclaves musclés, de rois fous, de guerriers déchaînés[2]
Elle pratique l’anti-humaniste comme sésame vers le surréalisme :
Sauvage et raffiné, tel apparaît l’art de Pierre Bettencourt […] Par là, P. Bettencourt […] est bien un des témoins de notre temps. Un temps qui s’efforce de jeter par-dessus bord l’héritage d’une culture humaniste et rationaliste et se penche sur les arts populaires et ceux qu’on appelait « primitifs » dans l’intention de se refaire une virginité magique. […] P. Bettencourt a su se faire « barbare » pour être mieux attentif au monde « autre ». Un monde où il y a toujours quelques choses dans, dessous, derrière un « réalisme » qui joue intensément des déformations et des disproportions entre les figures. [3]
Tout ceci pourrait semblait assez peu inédit s’il n’était déjà la troublante matérialité des œuvres.
L’originalité des moyens mis en œuvre, l’invention dans le domaine de la matière notamment, font parfois accepter l’inadmissible. Le « réalisme » de certaines scènes est sans cesse mis en question par l’insolite rapport des matériaux[1]
Il naît de ses amalgames des images […] qui fascinent ensuite parce que le matériau est charnellement intégré à une vision insolite, qu’il en est un des arguments. [2]
L’objet, plus cultuel qu’artistique, s'impose dans sa tridimentionnalité : « Cette peinture-sculpture qui n’est ni l’une ni l’autre, à la fois tableau, relief, stèle ou totem[3] ».
Il consiste ensuite en un assemblage de dépouilles minuscules, patiente marqueterie ou broderie de naturaliste et d’entomologiste, mosaïque organique de maniaque.
> P. Bettencourt, Jean Dubuffet, 1953 >
Les premières œuvres sont en ailes de papillon puis en pierres, faïences et os de lapin :
Je reprends des forces en ce moment, en cette fin d’hiver, en faisant des tableaux de papillons – curieux processus pour y arriver – mélange d’attention et de distraction, de trouvailles sélectionnées, tableaux qu’on fait et qui se font un peu comme en rêve et dont je compte prendre de la graine pour faire cet été des tableaux plus somptueux et plus fous, plus tourbillonnants de matières, mais dominés[1].
Ces compositions feront brièvement place à
un cycle géométrique, aux arrêtes tranchantes sollicitant beaucoup l’ardoise et
le silex.
Puis vient le temps des « Hauts-Reliefs » :
J'éprouvais une secousse érotique profonde à mimer les gestes de l'amour avec le matériel même de la vie. Et je gardais de ce premier contact, que certains tableaux de Matthias Grünewald raviveront, le projet de mêler plus étroitement l'os et la chair (une femme dont le bras seul décharné branlerait un membre viril) dans des compositions plus étoffées et dont mes hauts-reliefs aux personnages bien incarnés allaient m'ouvrir la carrière[2].
Le trouble réside dans le contraste entre l’échelle de la pièce, souvent les personnages sont représentés à l’échelle une, et la ténuité fragmentaire des éléments composites, graviers, tessons, graines.
« œuvres colossales […] Ce qui surprend c’est la masse[1] ». Plusieurs ont noté combien ce caractère monumental visait à terrasser le contemplateur mais aussi à exprimer toutes les pensées dont les hauts-reliefs sont lourds :
mais de longues évocations de plus en plus présentes, pesantes, pressantes, dépôt ferme d'un monde dont quelqu'un était lourd, ne sachant comment vivre avec lui, ni comment vivre sans lui.[2]
ses « Hauts reliefs » […] sont lourds de longues rêveries patientes, et comme appesanties par l’isolement, lourds d’une vie secrète qui s’exhibe et se masque en même temps[3].
Or « Tout cela est méticuleusement
assemblé[1] » :
« La minutie presque sadique et sacrale de l’exécution paraît parfois
exorbitante à la capacité inventive quant aux formes[2] ».
Le trouble réside aussi, comme en miroir, dans le contraste entre les glorieuses et sadiques mises en scène au hiératisme de pierre et la fragilité, l’innocuité des coquilles d’œuf, carapaces de crustacés, plume, éponge.
Cette coquille d’œuf participe à faire des hauts-reliefs de véritables œuvres de chair/e :
Quel nu apparut jamais plus nu, plus inoubliablement nu que ce ventre en coquille d'oeuf inégalement écrasée, à la membrane coquillière satinée, presque une muqueuse ? Modelé qui provoque en celui qui le contemple un extraordinaire appel à modeler[3].
Il y en a, des nus, chez P. Bettencourt… Des corps et des corps de femmes dont le matériau dévoile crûment la vulnérabilité et le caractère carné.
"La tête et les jambes":
Ce que B exprime dans ses tableaux presque « vivants » et sans lesquels ils ne seraient peut-être qu’un Grand-Guignol pictural, c’est l’extraordinaire tension de l’être déchiré entre ses appétits fabuleux et l’aspiration à la transcendance.[1]
Dans sa préface aux Hauts-Reliefs en 1961, P. Bettencourt place son œuvre sous le signe de la contradiction :
Il y a peu de choses à dire sur mes tableaux, du moins ceci : Ils sont tous nés du contraste profondément ressenti entre la tête et le corps. La tête divine, le corps humain, trop humain. […] la tête ou le corps. S'éparpiller aux quatre vents du désir, ou rester là dans la contemplation délicieuse.[2]
Il précise dans une autre préface : « La tête et les jambes, le ciel et la terre (ou l'enfer)[1] »
Les Hauts-Reliefs expriment donc un mouvement de balancier, jamais fixé entre ces deux pôles : « personnages extatiques, entre l’hystérie et la crise religieuse. On oscille sans cesse entre Bouddha et Baal, la révélation et le jugement dernier. »[2]
Et son œuvre devient une exploration des différentes voies vers l’unité :
Corps-à-Tête, présence-absence. Ne pas choisir. Accepter cette contradiction, ce combat avec l'ange, ces pôles de discorde d'où par moments jaillira l'étincelle de l'illumination, cette charge et cet honneur d'être incarné, d'être Dieu dans l'Homme. [3]
Les figures totémiques sont généralement surprises dans des jeux érotiques et cruels, la quête de l’unité passant par Eros et Thanatos.
La vision du monde de P. Bettencourt est
très noire et toute empreinte de son éducation religieuse, unité perdue de
l’être, tête morte et corps humilié.
Le péché n'avait pas été de partager une pomme mais de se partager soi-même, de se détacher l'un de l'autre pour aller chacun de son côté. La liberté, qui s'était ensuivie, n'était qu'une fausse liberté, la liberté du malheur.[1]
Car nos têtes sont mortes. Elles les ont éteintes une à une, faute d'amour, de cet amour qui nous transporterait, et mettrait tout le corps au service de la Tête. Mais nos têtes sont serves d'une civilisation vouée a la famille*, à la fourmilière, à l'émiettement. Elles marchent, c'est tout ce qu'elles savent faire.[2]
« Le ciel et la terre pouvaient-ils encore communiquer, s'interpénétrer, à travers l'union de l'homme et de la femme?[1] » demande P. Bettencourt ? Les ballets d’accouplements sauvages et de sarabandes de corps nus sont donc l’exploration d’une voie vers le retour à l’unité.
Mais la voie est mauvaise, constate
l’artiste :
D'où ces têtes solitaires dont le thème reviendra presque chaque année, de façon lancinante, comme une expression de l'incommunicabilité foncière qui préside le plus souvent aux rapports de l'homme et de la femme. [2]
C’est pourquoi, selon Geneviève Bonnefoi, ces œuvres nous troublent bien plus par tout ce qu’elles suggèrent que par
le provoquant spectacle qu’elles nous offrent : le drame qu’elles évoquent
dans leur gesticulation pathétique ou figée est celui de cette solitude à
laquelle l’homme ne peut échapper même à travers les exacerbations de l’amour[3].
Car « l’obsession de Bettencourt est l’incommunicabilité : la rencontre ne peut avoir lieu que par la médiation du supplice ou de la dérision.[4] »
Eros est même une voie doublement mauvaise.
Le sexe en lui-même est investi positivement :
Le sexe incarnant l'énergie, il ne me viendrait pas à l'idée de dire que le mal pourrait résider dans ce moteur souverain qui anime la nature entière,
Or cette puissance du sexe viril, bien loin d'être la cause de tout mal, ne nous était impartie que pour se plier elle aussi à la métamorphose […] et devenir source de chaleur et de rayonnement. De même que l'atmosphère avait protégé la terre de l'impact dangereux des rayons cosmiques, la connaissance et le respect d'autrui devaient créer, autour de chacun, cette aura lumineuse au travers de laquelle seulement il pouvait toucher et être touché.
Ainsi le mal et le bien n’étaient pas deux puissances antagonistes relevant d’un Dieu bon et d’un Dieu mauvais, on observait seulement la présence de l’énergie et du rayonnement. […] Ainsi la violence du sexe mâle était-elle insupportable pour la femme, hors de son expression lumineuse.[1]
[1] P. Bettencourt, « Préface », Hauts-Reliefs, 1971, op. cit., p. 75
Mais une fois encore, il y a eu catastrophe, cataclysme, dérèglement de cette énergie.
D’un côté, nous explique-t-il, les femmes ont perdu la « pudeur », « azur céleste » leur permettant d’être touchée et non blessées par la lumière, « La vie de l'amour n'avait dès lors aucune chance de naître sur ces planètes en chaleur[1] », d’autre part, « Si «faire l’amour» pouvait être la source de tant de maux, […] c'est que le verbe «faire » avait pris chez le plus grand nombre le pas sur le substantif[2] » :
Si les couples, que l'on va voir maintenant, semblent pour la plupart voués à la rage et à la destruction du feu primordial, c'est qu'ils sont les oeuvres d'un homme encore ébloui par la puissance solaire qui, vivant dans la solitude, n'avait pas de raison d'accommoder son comportement au clair-obscur enfin viable d'une vie partagée[3].
Ce qui nous conduit à la violence qui caractérise tant l’œuvre de P. Bettencourt. Comme le note Pierre Cabane[1], « l’érotisme et la cruauté sont toujours présents, et avec quelle violence forcenée dans l’obsession sexuelle ! »
Mais, semble rétorquer P. Bettencourt :
La cruauté qu'on peut déceler dans certaines de ces oeuvres n'a que peu
de rapports avec le sadisme. Ne cherchant pas à déclencher le mécanisme de
la jouissance, elle reste latente, à l'état de crime non commis.[2]
Le puritanisme décelé par Mandiargue n’éclate-t-il pas au grand jour lorsque P. Bettencourt déclare à propos de cette cruauté :
Elle exprimerait plutôt le ridicule qu'éprouve un être pensant à prendre corps, à projeter son éternité dans le temps sous une apparence sensible qui le rend torturable et tuable à merci. Puisqu'il s'est mis dans ce mauvais pas, allons-y, tuons-le. Ce sera la mort du Christ, la mort de Jeanne et, par eux, la mort de cet « Intouchable » qui ne nous échapperait plus : la mort de Dieu.[1]
Quête de pureté inquisitoriale ou révolutionnaire, les aveux de P. Bettencourt ne sont pas sans échos troublants :
Couper les têtes, tel était mon état d'esprit quand je faisais ces portraits. Réduire un homme ou une femme à la partie de lui-même qu'il exhibait et finalement la plus obscène : le visage. Tout est inscrit sur un visage, les mille démarches et les mille soucis d'une vie y ont laissé leur empreinte.[2]
le Dieu d'or, (1961) s'offre à l'adoration devant le théâtre d'ombres des têtes mortes, des possibilités vaincues. Cette fois l'unité est conquise. Les supplices sont inutiles pour vous faire entendre raison : La décapitation même n'atteint plus le corps glorieux rayonnant de lumière intérieure, ayant rejeté l'agitation de la vie multiple pour l'immobilité sereine[1].
Eros a failli, Thanatos a puni, et dans un mouvement dialectique classique, l’artiste formule une troisième voie, un dépassement lourd de menaces :
Plus librement que dans la conjonction du Christ et des Saintes Femmes, je trouvais, chez ce médiateur [Dieu Les Îles de Pâques], la possibilité de réunir le monde spirituel et le monde temporel et d'implanter mes élans mystiques dans le bon terreau de la volupté féminine : «la tête et les membres » […] Son visage, empreint d'intransigeance, n'exprime guère l'offrande d'une virilité triomphante, à l'assouvissement du désir féminin. Surmoi, sans concession d'ordre temporel, il n'était pas sans danger de le voir disparaître, laissant ouvertes à double battants les portes de la débauche[2].
On ne sera pas surpris dans ce contexte
du caractère religieux de cette œuvre plastique.
Son sujet : « Pierre Bettencourt organise des cérémonials et des fêtes rituelles qui évoquent l’Assyrie, l’Egypte, l’Inde. Les visages ressemblent à Bouddha, aux caciques. Ils portent de hautes tiares. Ils donnent des audiences, paraissent procéder à des jugements, à des intronisations. »[1]
Comme son objet : « Tableaux
nés du désir d'adorer, idoles faites pour fasciner, pour fixer et servir de
substituts à la personne imprenable. [2]»
Rappelons le cycle des idoles portatives de 1978. La fixité des masques, les gestes hiératiques, les postures mécaniques des figures totémiques servent cet aspect cultuel.
Si l’iconographie relève plus des cultures océaniennes, mésopotamiennes ou africaines, c’est paradoxalement l’Asie et Bouddha qui semblent l’avoir inspiré au plus profond :
La semaine passée à découvrir les temples d'Angkor, le Bayon, ces mille têtes de « L'Illuminé » inlassablement répétées, toutes semblables par leur architecture, mais légèrement différentes quant à la nuance du sourire, dut être, à mon insu, décisive.[3]
J’ai eu un peu tord dans mes derniers tableaux de mettre des personnages en mouvement. L’immobilité est indispensable à la contemplation. […] Les sujets d’inspiration hindoue me donne chaque fois une véritable joie, comme s’il y avait là une plénitude qui n’existe dans aucune autre civilisation. On y touche à la perfection d’être homme, bouddha incarné. […] Les peintres avec le Christ n’ont pas eu cette chance.[4]
L’objet rituel n’est pas destiné à l’autel de Bouddha ou du Christ mais consacré à la magie noire, nous dit Michaux :
« Ceux qui aiment le pain parfaitement blanc, qu'ils n'entrent pas ici Peinture impure. Chargée, obsédée, possédée. »
« Peinture pour que succubes et fantômes se substantialisent et restent. » « Des duvets disent une extrême, une infinie douceur autour de ce qu'on appellerait des aires de malfaisance.
La jouissance esthétique pareillement troublée trouvera souvent un crapaud sur sa table »[1]
D’autre ont parlé de « cabinet de Barbe bleue ou quelque autre chambre secrète », "d’atmosphère hantée »[2].
Plus inquiétant encore, Michaux nous propose de voir P. Bettencourt, non seulement en peintre-sorcier mais aussi en peintre possédé.
D’un côté il envoûte la femme :
Pour appâter le paradisiaque corps féminin dont le rêveur insatisfait' ne se lasse pas de rêver, il agit comme le sorcier africain, qui par sifflements et chuintements saccadés contrefaisant le glou-glou liquide des gouttes tombantes, va obliger la pluie séduite à ne plus résister et_ à couler· sur les terres : qui l'attendent, assoiffées.
Afin de mieux attirer la femme désirée, il utilise pour elle par-dessus le panneau peint et un premier rembourrage en relief, des matières homologues comme grains de mais ou de café, soumises aux mêmes lois d'épanouissement de mûrissement et si l'on peut dire de cueillette... le sang, l'arrachement, et le viol n'étant pas loin, ce semble.[3]
De l’autre, il est le prisonnier de ces incantations des plus opératoires :
au milieu de formes gonflées d'érotisme, émanées de lui et revenant sur lui, enfermé dans leur barrage comme à l'intérieur d'un carré magique, P. Bettencourt depuis deux ou trois ans vivait avec elles, ne les montrant que de loin en loin […]
Les maîtres de la chambre secrète qu'ils tenaient envoûtée les voici donc.[1]
Votre discours a la légèreté de celui qui s’est défait des liens. […] Néanmoins, on est ainsi fait qu’on préfère vous savoir bien possédé, engagé, englué, et presque partant « battu » comme vous semblez l’être dans vos Hauts Reliefs.[2]
Magiques ou pas, ces Hauts-reliefs ont le pouvoir de malmener le spectateur, tous les témoignages quant à leur réception sont formels sur ce point :
Plus brutale, l’œuvre de P. Bettencourt cherche moins à séduire qu’à frapper. […] nous ne sommes conviés ici pour la délectation mais pour le choc, la confrontation, l’affrontement pourrait-on dire. Il nous faudra cependant l’accepter ou bien rejeter avec lui toute une part de nous-mêmes.[1]
P. Bettencourt dans ses œuvres colossales et irritantes, […] un indiscutable pouvoir de choc. […] et on ne nous épargne aucune laideur. Mais cela doit exister, une mystique de la vomissure. Révoltant mais quelque fois grandiose. Avec une belle démangeaison de la matière. Allez-y vous faire gifler.[2]
Cher Pierre, ce n’est qu’avant-hier que j’ai pu aller (avec Perse) voir vos grands personnages. Je ne les oublierai pas. […] Vous donnez une sorte de peur qui ne s’efface pas de sitôt. […] Mais comment dire, ce n’est pas une peur par lacune, c’est plutôt une peur par excès, qui a on ne sait quoi d’évident. Je ne l’avais pas vue depuis les premiers Chirico de 1912.[3]
A quoi s’apparente cette œuvre plastique ?
On lui a reproché d’être littéraire : : « P. Bettencourt […] voudrait, lui aussi, conclure une alliance entre l’art plastique et la poésie : du moins, le thème littéraire. […] Trop de littérature »[1]
Et Françoise Choay se demande « Cette peinture n’est-elle pas finalement littéraire en dépit de l’assertion de P. Bettencourt « Mondes sans équivalence, paroles qui ne font pas le poids »[2].
On parle en effet de « rêves baudelairiens[3] », de Sade, Artaud, Lautréamont[4].
On l’inscrit aussi dans un post-surréalisme : « Je ne sais quel climat surréaliste – des rues vides comme chez Chirico »[5]
Impur c'est à dire ambigu. Incroyable potentiel érotique et psychique. Rarement mélange aussi détonnant nous fut proposé, même aux grandes heures du surréalisme. C’est que l’humour ici, au lieu de dominer le jeu, comme chez Ernst par exemple, est contraint de s’y plier, d’y entrer à son tour et de participer au tragique et à l’angoisse[6].
[1] BTC 33 (74), op. cit.
[2] Françoise Choay, op. cit.
[3] BTC 5 (55), J.P. Crespelle, « Grains de café et haricots concrétisent des rêves baudelairiens », in Le Journal du dimanche, 2 décembre 1956, coupure de presse
[4] BTC 12 (80-81), Jean Clay, « Les 7 tendances de l’art contemporain », Réalités, avril 1968, coupure de presse
[5] BTC 12
(44), op. cit.
[6] Geneviève Bonnefoi, « Il se confirme… », Pierre Bettencourt, exposition du Centre d'art contemporain au château de Tanlay, op. cit.
[7] BTC 33 (68), op. cit.
Dans « Les 7 tendances de l’art contemporain »[1], Jean Clay l’inscrit dans « La veine fantastique qui court à travers l’histoire de l’art, de Bosch à Fussli, de Blake à Redon ». A Sade, Artaud, Lautréamont, Chirico, s’ajoutent :
Les accumulations obsessionnelles de Louise Nevelson, les boursouflures de Dado, les assemblages d’épingles de Samaras, les humanoïdes de Matta, les créatures érotiques de Bellmer, de Trouille, de Svanberg participent de cette même orientation vers le surréalisme et la magie où les ont précédés, chacun à sa façon, Magritte, Ernst, Tanguy et Salvador Dali. Il s’agit, pour ces artistes de faire ressortir les anomalies de l’âme humaine par la fabrication d’objets qui engendrent chez le spectateur la découverte de ses phantasmes.
S’il fallait prendre part à ce concert et tenter une définition, nous qualifierions les hauts-reliefs de P. Bettencourt, comme l’ensemble de son œuvre, de « Mauvais Genres » tel que défendu et illustré dans l’émission du même nom, sur France Culture[2]...
Conception et textes : Sophie Lesiewicz
Numérisation des documents : BLJD